1985 : Putain de métier à risques !
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C’est un immeuble autrefois reluisant mais désormais presque à l’abandon. Il est situé Rue d'Alsace, entre les gares du Nord et de l’Est. La façade est miteuse et les lieux vétustes, en partie désertés par les habitants. Au rez-de-chaussée, devant un bar arabe qui jouxte le portail de l’entrée, quelques dealers sont en faction. Je connais bien certains d’entre eux qui me baisent régulièrement en échange d’une barrette de shit à 200 francs…
Le hall de l’immeuble est sombre. Il pue et n’a pas vu le balai depuis des lustres. Dans les étages où je ne suis jamais aventurée, quelques appartements sont apparemment squattés. Depuis bientôt 6 mois, j’occupe ce qui fut la loge de la concierge. C’est un genre de studette pas trop moche et comparée au délabrement général de l’immeuble, relativement confortable.
Monsieur Jeannot m’y rend visite chaque matin, vers les dix heures, pour la comptée de la veille… Quand il ouvre ma porte avec la clef qu’il possède, je dois me tenir prête à le recevoir en tenue de travail, déjà coiffée, maquillée, manucurée, épilée, bustier dégageant mes tout petits seins, bas noirs à couture ou à résilles, talons hauts, gaine ouverte à l’ancienne et toujours sans culotte ou sans string, au cas où il aurait une envie pressante de m’utiliser pour se vidanger les burnes…
La loge est obscure, chichement éclairée par une porte vitrée qui ouvre sur le hall et une unique fenêtre sur cour dont les persiennes, par mesure de précaution, demeurent constamment fermées. Le rez-de-chaussée est occupé par une kitchenette et simplement meublée d’une table, de quelques chaises et d’une télé couleur… Un escalier raide et très étroit conduit à l’étage dans une chambre aux volets clos qui est équipée d’un grand lit pour dormir et baiser, d’une coiffeuse sur le haut de laquelle sont posés mon radio-cassette, mes tubes de fond de teint, mes vernis à ongle, mes sticks de rouge à lèvres, mes crayons, mes rimmels, mes faux-cils, mes crèmes et tout ce qu’il faut pour me pomponner et me faire un visage crédible de putain.. Dans un coin de la chambre, j’ai une penderie de plastique pour ranger mes tenues de catin, mes escarpins et cuissardes, ma lingerie. Une porte en accordéon cache une douche minuscule et un bidet dans lequel, avant d’aller au tapin, je fais les lavements réglementaires et ma toilette intime après chaque passe. Les chiottes sont dans la cour.
Bien qu’il ait conservé avec moi ses exigences quelque peu abusives de proxénète endurci, j’ai le sentiment qu’au fond, Monsieur Jeannot m’aime bien puisque, me dit-il souvent, je suis sa meilleure gagneuse en dehors de « Maman », sa femme, une grande et belle pouliche qui peut avoir 45 ans, que j’ai déjà rencontrée et qui fait le trottoir Rue Blondel… Après m’avoir fait subir pendant plus d’une année les caprices de la météo et de la clientèle dans le quartier de la Porte Dauphine, au coin de la rue de la Faisanderie, dans les contre-allées de l’Avenue Foch ou sur les trottoirs du Boulevard de l’Amiral Bruix, Monsieur Jeannot m’a fait une fleur en me plaçant-là, preuve d’une certaine considération.
Chaque matin, il apporte les croissants de notre petit-déjeuner et tandis qu’il vérifie la comptée (les 2000 francs que je dois lui remettre chaque jour), je lui sers cérémonieusement son café. Quand la comptée est bonne et qu'il est d’humeur, il s’attarde une petite heure et me parle de sa femme, de son enfance, de sa jeunesse tumultueuse, du temps où il était braqueur et trop souvent en taule, des soucis quotidiens que lui causent les condés ou ses confères proxos, des entourloupes des petites travesties algériennes qu’il maque Porte Dauphine et qu’il est trop fréquemment dans l’obligation de menacer, de cogner fort et de mettre à l’amende… Parfois, pendant qu’il trempe ses croissants dans son kawa, il sort sa grosse bite violacée et veineuse pour que je lui suce le gland et que je le pompe en gorge profonde. Il lui arrive parfois de m’attirer à lui pour m’empaler sur sa queue sans bouger de sa chaise ou de temps à autres, de me mettre la main au cul pour me pousser dans l’escalier, me jeter sur le lit et me prendre brutalement en levrette en me tenant par les cheveux que j’ai récemment coupés courts et teints en roux foncé. Beaucoup plus rarement, il me fait presque tendrement l’amour dans la position du missionnaire en enfonçant dans ma bouche sa langue qui sent le café et la Gitane.
Au fil de ses visites quotidiennes et de nos conversations, Monsieur Jeannot s’est peu à peu dévoilé et je connais mieux les raisons de sa brutalité qui s’enracine dans une enfance aisée et provinciale, entre un papa médecin, une maman réduite à faire ménage à trois avec la maîtresse que son époux lui avait imposée et deux grands frères que le petit Jeannot adorait mais qui ayant fini par assassiner ce salaud de père pour venger la mère humiliée, se retrouvèrent aux Assises, furent condamnés à mort pour parricide avec préméditation et échappèrent à la guillotine, le plus âgé en mourant opportunément d’une rupture d’anévrisme avant qu’on ait eu le temps de le couper en deux et le cadet, après avoir obtenu une grâce présidentielle miraculeuse, en se pendant dans sa cellule… « Mouais, je venais d’avoir 12 ans et je me suis retrouvé en tête à tête avec une mère à moitié folle. Ça m’a rendu méchant à vie cette histoire… » m’a un jour amèrement avoué Monsieur Jeannot.
Même si pour tenir mon chiffre, je dois passer douze heures par jour à rouler du croupion sur le trottoir et à racoler les passants pressés entre la Rue des Deux Gares et les grands escaliers qui barrent l’extrémité de la Rue d’Alsace, je pourrais m’estimer heureuse puisque désormais, Monsieur Jeannot ne me tape plus sur la gueule et que je baise bien au chaud.
Je pourrais être heureuse mais je ne le suis pas…
Car bien que j’aime sincèrement ce « métier » qui s’est imposé à moi, par pur hasard, quand j’avais 20 ans, bien que je ne me voie pas d’autre avenir envisageable que de servir - mais jusqu’à quand ? - aux plaisirs tarifés des mâles de tous âges, corpulences et origines, bien que je ne songe presque plus jamais à ma famille, bien que je ne regrette pas ma vie d’avant, ni mes copains, ni mes copines, ni mes molles études entamées à la fac, bien que je garde la même fascination maniaque et que j’éprouve le même désir farouche pour tous les hommes que je reçois, pour leurs queues que je fais bander, que ma langue rose lèche, que ma bouche tiède et avide tète et siphonne avec tendresse, que mes mains douces, chaudes et soignées branlent, que ma chatte accueille docilement pour leur permettre de m’enculer et de vider en moi leurs couilles gonflées de foutre, bien que j’aime entendre leurs râles de soulagement se mêler à mes halètements de femelle jouisseuse, bien que je ne désire pas vraiment changer d’existence parce que celle-ci me comble et me satisfait pleinement, je suis envahie par la peur…
Ce sont une anxiété de tous les instants, une terreur irrépressible, un effroi incontrôlable qui me saisissent dès que je me retrouve seule avec moi-même et que je me laisse aller à songer au risque que j’encours. C’est une épouvante qui me réveille en sueur, la nuit, quand je suis dans le lit sur lequel on m'a baisée de midi à minuit…
Certes, en pute consciencieuse et tenue de faire son chiffre, le temps que dure la passe, quand je suce les chibres, quand mes michetons manipulent ma croupe comme les bouchers le font d’un quartier de viande, quand ces inconnus que je suis allée draguer et rabattre m’utilisent à leurs fins, enfonçant leurs doigts sales dans mon con de garçonne, plantant cruellement leurs ongles dans mes fesses, malaxant mes petits seins et mon clitoris érectile, me pénétrant brutalement, me dilatant largement et me ramonant longuement la chatte en me faisant mal au ventre, m’insultant, me cajolant ou déclenchant parfois le délicieux et dévastateur orgasme anal, j’oublie passagèrement ma crainte panique… Mais la peur revient aussitôt que la passe se conclut et que l’éjaculation tant attendue me laisse dans la bouche le goût âcre du sperme ou dans le fond de ma fausse vulve, sa glaire poisseuse.
Car nous sommes en 1985 et journaux, magazines, radios et chaînes de télévision commencent à évoquer de plus en plus souvent ce « cancer des gays » apparu à New York en 1981, que l’on nomme aussi SIDA, épidémie mystérieuse et mal connue dont on sait qu’elle est sans remède et qu’elle signifie une mort certaine pour tous ceux qui en sont touchés.
Et je ne veux pas mourir à 24 ans…
C’est pourquoi ce matin, après avoir amoureusement sucé son braquemart mauve et avoir avalé sa jute saumâtre, après lui avoir soigneusement fait sa toilette à grands et petits coups de langue, je trouve le courage de m’ouvrir de cette peur obsédante à Monsieur Jeannot…
Au début, il me regarde d’un air étonné et puis son visage se rembrunit…
- «Ah ! Tu vas pas m’faire chier avec ça, hein ?! Tu vas pas m'casser les couilles avec ces conneries ! J’ai assez d’emmerdes comme ça ! Pas la peine que t’en rajoutes dans la brouette, hein ?!» tonne-t-il en se contorsionnant pour refermer sa braguette…
Il avale ce qu’il reste de café dans le fond de sa tasse et puis se levant brusquement en repoussant sa chaise :
- « T’as qu’à faire comme Maman et ses collègues… Quand elle monte un cave Rue Blondel, ni une ni deux, elle lui enfile une capote sur la queue et basta ! Et le mec a pas à discuter sinon, il s'fait jeter !»…
Timidement, je lui explique que j’ai récemment acheté une grosse boite de 48 préservatifs lubrifiés à la pharmacie du coin mais qu’elle est toujours désespérément pleine parce que mes michetons refusent obstinément d’en utiliser…
- « Hé bé, c’est pas mon problème ma fille, c’est l'tien ! T’as qu’à t’imposer ! »…
- « Et s’ils veulent quand même pas, je fais quoi, moi ? »…
Maintenant de très mauvaise humeur, Monsieur Jeannot enfile son pardessus…
- « J'en ai rien à s’couer… Tu te démerdes avec ça ! C’est toi qu'a voulu faire la pute, c’est pas moi ! »
Il se dirige vers la porte et se retourne brusquement, me saisit par les cheveux, colle sa bouche à 10 centimètres de mon nez :
- « Et vas pas m’la faire à l’envers hein ? Sinon, j’te casse la tête à coups de marteau ! »
La porte claque…
J’entends un « Connasse ! » et le bruit lourd de son pas s’éloigner dans le hall de l’immeuble…
Quelques instants plus tard, dans un froid piquant qu’accentue un petit vent désagréable, je fais les cents pas sur le trottoir de la Rue d’Alsace en distribuant les sourires enjôleurs et les habituels « J’t’emmène chéri ? », « Tu viens chéri ? », « On y va mon cœur ? »…
Le premier client qui s’arrête à ma hauteur porte costume cravate et mallette de cuir.
- « Combien tu prends ? »
Je tente le coup…
- « 100 francs la pipe… 200 l’amour… Ou 150 avec capote...»
- « Ah non ! La capote ça me fait débander ! »
- « Alors, c’est 200.»
- « D’accord pour 200… C’est loin ? »
Je lui désigne la porte de l’immeuble à côté de laquelle les dealers de shit en faction attendent eux aussi les clients.
- « Non, c’est juste là-bas, au 41, au rez-de-chaussée… On y va ? »
- « Ouais mais sans capote, hein ? »
- « Oui chéri, bien sûr, c'est comme tu veux… alors, on y va ?»
- « Ouais, marche devant, je te suis. »
6 年 前